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UMR 5140 - Lattes-Montpellier - Archéologie des sociétés méditerranéennes - Equipe Territoires, Interactions, Cultures
Axe 1 - formes et fonctions de l'habitat antique et alto-médiéval [Action 13]


Circa Villam VII


Les premiers siècles de la Romanisation
Fermes, villas et exploitations rurales autour du changement d'ère

Loupian (34), vendredi 15 janvier 2010

Il a été décidé avec nos amis catalans de consacrer le cycle annuel de rencontres Banyoles-Loupian aux premiers temps de la romanisation dans les campagnes de part et d'autres des Pyrénées. L'exercice est d'autant plus intéressant qu'il nous faut prendre en compte le décalage chronologique dans la mainmise romaine qui est de l'ordre du siècle entre nos deux régions.

Pour le Languedoc, les premiers temps de la romanisation, à une date plus ou moins précoce selon les secteurs de la future Narbonnaise, voient la constitution d'un maillage dense d'habitats isolés, d'exploitations rurales témoignant de nouvelles conditions de mise en valeur des terres. Ce phénomène a pu être considéré comme un des témoignages les plus explicites des effets de la colonisation, en rupture avec les modes d'occupation des sols protohistoriques. Plus récemment, grâce peut-être à une meilleure perception de la chronologie de ces sites, on a envisagé de le considérer comme un processus propre aux sociétés indigènes, catalysé en quelque sorte par la conquête et ses conséquences. Quelle que soit l'interprétation retenue, la période considérée voit le passage à d'autres modes de mise en valeur du sol, pour lesquels le centre d'exploitation, la ferme, prend une plus grande importance. On peut d'ailleurs s'interroger sur l'émergence d'une classe de paysans indépendants, qui ne se réduiraient pas à la population des agglomérations, mais qui se trouveraient à la tête de ces exploitations isolées.

L'autre mouvement corollaire est l'apparition de nouvelles formes d'établissements ruraux. On pense bien évidemment aux fermes de plan régulier, organisées autour de cours selon un modèle méditerranéen. Hors agglomération, il conviendrait de cerner les exemples les plus anciens ainsi que les temps principaux de la diffusion de ces plans. Les recherches récentes ont montré cependant que ces ensembles cohabitent avec des fermes aux enclos délimités par des fossés et pouvant abriter des constructions à poteaux de bois. Attestées en plusieurs points de la région, ces réalisations trouvent des points de comparaisons plus continentaux, avec les « fermes indigènes » de la Gaule intérieure. Il est encore trop tôt pour tenter de préciser les conditions de disparition de ces établissements ruraux propres au monde gaulois. On ne peut que constater la prédominance acquise par les fermes de plan régulier, qui apparaissent associés à de nouvelles exigences de gestion du sol et des cultures. C'est dans d'ailleurs dans ce contexte de mutation que doit être abordé l'autre dossier majeur que constitue la création des villas.

La journée de Loupian peut être l'occasion de présenter dans le cadre de d'échanges et de discussions les plus libres possibles des études de cas pouvant éclairer les divers thèmes évoqués précédemment, à l'échelle du site ou d'une région. Il peut s'agir, comme d'habitude, de travaux préliminaires, de premières réflexions comme d'études abouties.

Les communications de cette journée :

1- Michel Passelac - Exploitations agricoles à la période gallo-romaine précoce dans le bassin de l' Aude

 


 

Ferme fossoyée de Fendeille (Aude)
2- Corinne Sanchez, Hervé Petitot,avec les contributions de N. Chardenon, V. Forest et M. Py
Un enclos fossoyé de la fin du IIe siècle et du début du Ier siècle avant n. è. : les Portes de Bram (Aude).
Le vicus d’Eburomagus, traversée par deux voies antiques sécantes dont la célèbre voie d’Aquitaine de direction nord-ouest sud-est ne semble pour l’instant pas être occupé avant la première moitié du IIe s . av. J.-C. En périphérie sud-est de la commune de Bram, 20237 m2 ont été diagnostiquées par l’Inrap mettant en évidence un enclos fossoyé d’époque tardo-républicaine. Immédiatement au nord-ouest de la zone sondée, ont été fouillées en 1991, plusieurs fours de potiers, huit sépultures à incinération ainsi qu’un tronçon de la voie d’Aquitaine (information M. Passelac).
Lors de la fouille menée en 2003, quatre fossés délimitant un enclos trapézoïdal de 28 m pour sa petite base, 42 m pour sa grande base et 49 m de hauteur ont été mis en évidence. Ceux-ci, large de 0,70 à 0,80 m ne sont conservés tout au plus que sur 0,30 m de profondeur. Leur comblement a livré un mobilier très abondant, composé essentiellement d’amphores italiques de type Dressel 1A, 1B et de céramiques communes majoritairement tournées. Les ossements d’animaux, bien que régulièrement observés sont peu représentés. Deux monnaies gauloises en argent de style cubiste ont été recueillies dans les fossés.
Ce type d'enclos fossoyé reste rare en Languedoc alors que les découvertes se sont multipliées dans les autres régions où des études précises ont pu être réalisées. Bram permet de connaître un de ces enclos dans un secteur rattachable au domaine toulousain et sous l’influence italique qui sera à son apogée avec le développement des ateliers de présigillées. Bien que contemporain ou proche de la fondation de la colonie de Narbonne, ce site montre le peu d'engouement pour les nouveautés italiques excepté le vin, puisque les formes associées à sa consommation ou les vases spécifiques ne connaissent aucun succès. Ce site rural de plaine, à grande consommation amphorique présente un mobilier avant tout indigène.
Le site des « Portes de Bram » par sa position au bord de la voie d’Aquitaine, à la périphérie d’Eburomagus, zone privilégiée pour les échanges, soulève des questions sur l’évolution de l’organisation commerciale de ce relais et donc sur la chronologie de l’aménagement de l’axe aquitain.
3- Corinne Sanchez, Max Guy, Fabienne Olmer, Benjamin Girard, Vianney Forest
Un site de hauteur du milieu du Ier siècle avant n. è. : Saint-Vincent à Saint-Jean de Minervois (Hérault).
Le Pech Saint Vincent à Saint-Jean-de-Minervois (Hérault) est un éperon barré situé au confluent de deux gorges où la pile en pierre d’un probable pont de bois marque le passage d’un important chemin qui reliait la plaine aux mines de la Montagne Noire. Au Nord du site, un rempart renforce un ressaut de terrain qui barre l’éperon ; muni d’une sorte de plateforme (tour ?) à son point culminant, le rempart était percé d’une porte bâtie en grand appareil dont il reste quelques blocs en bordure du chemin.
La fouille d’un aven entre 1974 a 1981 donne un aperçu de l’occupation du site essentiellement basé sur la céramique puisqu’il y avait peu de débris osseux et pas de coquilles ni de cendres. D’assez nombreux débris de torchis suggèrent un habitat pauvre ou provisoire. Quelques monnaies, une gauloise à la croix, un denier très usé percé en pendatif et deux bronzes narbonnais à légende ibérique donnent un précieux repère chronologique, un peu avant 50 av. selon J.-C. Richard. L’étude des amphores a porté sur un total de 986 tessons, dont 64 bords, 42 anses, 15 fonds et donc 865 fragments de panses. Le mobilier recueilli concerne exclusivement la catégorie des amphores républicaines italiques Dressel 1. Globalement le faciès s’inscrit dans la première moitié du Ier siècle avant J.-C. et plutôt même dans le premier quart du Ier siècle, puisque nous ne pouvons pas observer de bord hauts et verticaux en nombre suffisant qui attesteraient d’une bonne accroche vers le deuxième quart et le milieu du siècle. La vaisselle, avec 2218 fragments, montre une association de campaniennes A et B qui nous situe également au cours du Ier s. av. n. è. Le faciès du mobilier s’inscrit dans un répertoire peu marqué par l’influence italique avec une grande majorité de vaisselle non tournée accompagnée de céramiques tournées de production régionale. Cet ensemble, s’il est représentatif de l’occupation du site, souligne la ponctualité de sa fréquentation au cours du Ier s. av. n. è. Le site du Pech Saint-Vincent permet d’aborder la question du contrôle de cette zone de passage mais également d’un faciès de limite sur les contreforts de la Montagne noire.

 



 

 

A droite, vue aérienne du Pech Saint-Vincent

A gauche, la pile du pont qui allait de la plaine vers Coulouma, les cols des Deux-Aires et Marcory, puis les mines de la Montagne Noire

4- Pierre Rascalou, Maxime Guillaume - Les exploitations rurales dans la campagne de Carcassonne aux IIe et Ier siècles av. J.C.

5- Ludovic Le Roy - L'établissement de "La Grangette/St Félix" à Vinassan (Aude). La période tardo-républicaine. Premiers résultats.

6- François Réchin et alii - le premier état de la villa de Lalonquette (Pyrénées-Atlantiques) et son environnement

7- Isabelle Daveau, en collaboration avec Susanne Lang-Desvignes - L'enclos républicain du Bas Lauvert, à Antibes (Alpes-Maritimes), une occupation originale sur le rivage lagunaire.

8- Jacques Planchon, Yannick Teyssonneyre - Le site de La Condamine, à Pontaix (Drôme).

9- Loïc Buffat - La fouille du site de Beaulieu à Monteux (Vaucluse) [actualité archéologique]